16 août 2011
Le 23 août prochain aura lieu une audience supplémentaire dans l’affaire opposant l’Etat de New-York à Dominique STRAUSS-KAHN aux termes de laquelle le Procureur Cyrus VANCE décidera peut-être de ne pas poursuivre pénalement DSK. Ce sera peut-être la fin de ses ennuis pénaux mais pas des ennuis civils puisque Nafissatou DIALLO a d’ores et déjà déposé plainte devant un tribunal civil du Bronx.
En droit anglo-saxon (« Common Law »), le procès pénal est rigoureusement séparé du procès civil. Si bien que avant, pendant ou après le procès pénal, la victime présumée peut intenter une action devant les juridictions civiles pour obtenir réparation du préjudice subi. Il en résulte parfois une apparente incohérence: comment peut-on être acquitté au pénal – ou bénéficier d’un non-lieu – et pour autant être condamné devant les juridictions civiles à réparer le préjudice prétendument subi par la victime ?
L’exemple que nombre d’entre nous ont en mémoire est l’affaire OJ Simpson, ancienne gloire du football américain, acquitté du meurtre de son ex-femme et de l’ami de cette dernière et pourtant condamné à payer plus de 33 millions de dollars aux familles des victimes.
L’explication tient schématiquement en deux étapes.
Tout d’abord, les deux actions, pénale et civile, sont rigoureusement séparées. Au cas particulier, le procès pénal oppose l’Etat de New-York à DSK tandis que le procès civil opposera Nafissatou DIALLO (victime présumée) à DSK (prétendu responsable de son préjudice).
Ensuite, les standards de preuves sont différents en matière pénale et en matière civile. Devant les juridictions répressives américaines, la culpabilité de DSK devrait être prouvée « au-delà du doute raisonnable ». Cela signifie – sur une échelle fictive de probabilité – que les jurés doivent être persuadés à, disons, 95% de la culpabilité de ce dernier. Devant les juridictions civiles, en revanche, le niveau minimum de la preuve est celui – plus bas - de la « prépondérance de la preuve » soit, sur la même échelle fictive de probabilité, une conviction de la responsabilité de DSK à hauteur de 51% seulement. En d’autres termes, il s’agit au civil de répondre à la question : est-il plus probable qu’il soit responsable ou qu’il ne le soit pas ?
Il en résulte que l’acquittement ne signifie pas que l’accusé est innocent mais uniquement que le jury n’était pas convaincu (« à 95% ») de sa culpabilité. Un autre jury désigné devant les juridictions civiles pourra, en revanche, être d’avis que la probabilité qu’il ait commis les faits qu’on lui reproche au civil est plus importante que le contraire. Dans une telle situation, DSK verra sa responsabilité engagée sur d’autres fondements que les accusations émises à son encontre au pénal. Dans l’affaire OJ Simpson, ce dernier acquitté du chef d’assassinat avait été reconnu responsable d’homicide involontaire devant les juridictions civiles. Dans sa plainte civile, Nafissatou DIALLO accuse DSK de l’avoir agressée de façon «violente et sadique » et de lui avoir infligée « volontairement une détresse émotionnelle ».
En droit français, ce genre de situation nous semble incongru pour les raisons suivantes :
Ceci étant, le jury civil pourrait se prononcer en faveur de la victime présumée. Un tel procès pourrait coûter cher à DSK mais plus encore, et il y a une nuance, rapporter d’importantes sommes à Nafissatou DIALLO. En effet :
Le 23 août prochain aura lieu une audience supplémentaire dans l’affaire opposant l’Etat de New-York à Dominique STRAUSS-KAHN aux termes de laquelle le Procureur Cyrus VANCE décidera peut-être de ne pas poursuivre pénalement DSK. Ce sera peut-être la fin de ses ennuis pénaux mais pas des ennuis civils puisque Nafissatou DIALLO a d’ores et déjà déposé plainte devant un tribunal civil du Bronx.
En droit anglo-saxon (« Common Law »), le procès pénal est rigoureusement séparé du procès civil. Si bien que avant, pendant ou après le procès pénal, la victime présumée peut intenter une action devant les juridictions civiles pour obtenir réparation du préjudice subi. Il en résulte parfois une apparente incohérence: comment peut-on être acquitté au pénal – ou bénéficier d’un non-lieu – et pour autant être condamné devant les juridictions civiles à réparer le préjudice prétendument subi par la victime ?
L’exemple que nombre d’entre nous ont en mémoire est l’affaire OJ Simpson, ancienne gloire du football américain, acquitté du meurtre de son ex-femme et de l’ami de cette dernière et pourtant condamné à payer plus de 33 millions de dollars aux familles des victimes.
L’explication tient schématiquement en deux étapes.
Tout d’abord, les deux actions, pénale et civile, sont rigoureusement séparées. Au cas particulier, le procès pénal oppose l’Etat de New-York à DSK tandis que le procès civil opposera Nafissatou DIALLO (victime présumée) à DSK (prétendu responsable de son préjudice).
Ensuite, les standards de preuves sont différents en matière pénale et en matière civile. Devant les juridictions répressives américaines, la culpabilité de DSK devrait être prouvée « au-delà du doute raisonnable ». Cela signifie – sur une échelle fictive de probabilité – que les jurés doivent être persuadés à, disons, 95% de la culpabilité de ce dernier. Devant les juridictions civiles, en revanche, le niveau minimum de la preuve est celui – plus bas - de la « prépondérance de la preuve » soit, sur la même échelle fictive de probabilité, une conviction de la responsabilité de DSK à hauteur de 51% seulement. En d’autres termes, il s’agit au civil de répondre à la question : est-il plus probable qu’il soit responsable ou qu’il ne le soit pas ?
Il en résulte que l’acquittement ne signifie pas que l’accusé est innocent mais uniquement que le jury n’était pas convaincu (« à 95% ») de sa culpabilité. Un autre jury désigné devant les juridictions civiles pourra, en revanche, être d’avis que la probabilité qu’il ait commis les faits qu’on lui reproche au civil est plus importante que le contraire. Dans une telle situation, DSK verra sa responsabilité engagée sur d’autres fondements que les accusations émises à son encontre au pénal. Dans l’affaire OJ Simpson, ce dernier acquitté du chef d’assassinat avait été reconnu responsable d’homicide involontaire devant les juridictions civiles. Dans sa plainte civile, Nafissatou DIALLO accuse DSK de l’avoir agressée de façon «violente et sadique » et de lui avoir infligée « volontairement une détresse émotionnelle ».
En droit français, ce genre de situation nous semble incongru pour les raisons suivantes :
- dans la grande majorité des cas, la victime se constitue partie civile dans le cadre de la procédure pénale et l’examen du préjudice civil a lieu immédiatement après la décision pénale. Les deux procédures, civile et pénale, sont alors liées. Si bien que, sauf certaines hypothèses limitées, lorsque l’accusé est acquitté, il ne saurait être condamné à réparer le préjudice résultant d’une faute pénale qu’il est reconnu ne pas avoir commise ;
- l’application du principe selon lequel « le criminel tient le civil en l’état » malgré une réforme partielle en 2007. Selon ce principe, le juge civil doit suspendre sa décision dans l’attente de la décision définitive du juge pénal lorsque la demande en réparation civile est directement liée à l’infraction pénale poursuivie ;
- l’application du principe « Electa une via » selon lequel lorsque la victime présumée choisit d’abord la voie pénale, elle peut y renoncer en cours d’instance pour initier une nouvelle action devant les juridictions civiles mais le contraire n’est pas possible.
Ceci étant, le jury civil pourrait se prononcer en faveur de la victime présumée. Un tel procès pourrait coûter cher à DSK mais plus encore, et il y a une nuance, rapporter d’importantes sommes à Nafissatou DIALLO. En effet :
- S’il était reconnu responsable du préjudice prétendument subi, DSK pourrait être condamné à des dommages intérêts classiques mais aussi punitifs (« punitive damages ») dont l’objet est de dissuader ce genre de comportement et dont le montant est laissé à l’appréciation du jury (moyennant un troisième standard de preuve dit « preuve claire et convaincante » se situant sur notre échelle fictive de probabilité à mi-chemin entre la prépondérance de la preuve et la preuve au-delà du doute raisonnable). Plusieurs dizaines de millions de dollars ne constitueraient pas un montant extravagant pour la jurisprudence américaine ;
- En outre, il ne serait pas inconcevable que l’avocat de Nafissatou DIALLO vise également dans son action civile la responsabilité du Groupe ACCOR puisque que c’est au sein de l’hôtel SOFITEL, pendant les heures de services de leur employée, que l’agression aurait eu lieu. L’hôtel, et donc le Groupe, auraient alors failli à fournir à cette dernière une sécurité suffisante pour éviter ce type d’agression ;
- Enfin, l’avocat de Nafissatou DIALLO a pris soin de porter plainte devant le tribunal civil du Bronx et non de Manhattan. Dès lors, le jury sera originaire de ce quartier à majorité modeste et noire. Or, les efforts déployés par la victime présumée et son Conseil pour communautariser ce fait divers pourraient bien, dans ces conditions, tourner en sa faveur lorsque le jury rendra sa décision.